Beaucoup pensent que les troubles alimentaires sont l’affaire des femmes ; ce stéréotype est une erreur.

En effet, depuis quinze ans que j’exerce je reçois de plus en plus d’hommes connaissant les mêmes préoccupations corporelles que les femmes : obsession de leur poids, de leur apparence, de leurs muscles, de la chasse au gras tant dans leur assiette que sur leur corps. Ils sont nombreux, plus de 10%, et malgré cela la plupart se taisent, honteux d’avoir, pensent-ils, une « maladie de fille ». Il est donc temps d’en parler et de briser ce tabou.

Qui sont les hommes ayant un TCA ?

Sans faire de généralité, autrefois les troubles alimentaires masculins touchaient essentiellement les gays (cela est sûrement dû à une forte pression de l’image de soi et de l’apparence) et les sportifs (marathoniens, bodybuilders, cyclistes, etc.), notamment ceux exerçant un sport avec une catégorie de poids (boxeurs, jockeys, etc.)

Mais les temps ont changé et aujourd’hui les préoccupations physiques et alimentaires sont l’affaire de tous les hommes, hétéro ou homosexuels, jeunes ou moins jeunes, obèse ou non. Dans tous les cas leur point commun à tous, c’est qu’ils souffrent en silence, ont honte, se sentent souvent dévirilisés, et parfois s’isolent.

Points communs entre hommes et femmes ayant un TCA

Pope et all. ont révélé que les hommes sont aussi nombreux que les femmes à être insatisfaits de leur apparence, chiffre augmentant de manière significative depuis les années 80.

En fait les hommes connaissent les mêmes troubles alimentaires et leurs conséquences que les femmes :

  • Restriction alimentaire          –  Jeûne                       – Anorexie
  • Boulimie                                – Compulsions             – Vomissements
  • Hyperphagie                         – Obésité
  • Dépendance au sport           – Prise de produits amaigrissants

Comme les femmes, au départ ce qui n’était qu’un « simple » régime ou une pratique régulière du sport devient une véritable obsession : on n’est plus dans le bien-être mais bel et bien dans la peur voire la phobie du gras et l’obsession de l’apparence et du poids. Le problème c’est qu’un homme qui fait beaucoup de sport, un homme qui perd du poids, un homme qui fait attention à son apparence est souvent valorisé socialement : « mieux vaut être trop musclé que trop gros ».

Ainsi, faire de l’exercice intensif par exemple est connoté positivement ; aussi ils ne se rendent pas tout de suite compte qu’ils sont en train de s’enfermer dans une véritable addiction ; c’est ce qu’on appelle la BIGOREXIE. (ce sera d’ailleurs le sujet d’un prochain article à part entière).

Spécificités masculines

Les troubles alimentaires commencent plus tard que chez les femmes et présentent plus d’antécédents de surpoids et d’obésité.

Les hommes souffriraient davantage d’obésité, d’hyperphagie, de boulimie que d’anorexie.

Des études montrent que les troubles alimentaires progressent plus vite chez les hommes que chez les femmes.

Alors que les femmes souhaitent perdre du poids et du volume, les hommes quant à eux cherchent à paraître plus musclés, plus larges, mais pas forcément plus minces.

Aussi, de plus en plus d’hommes s’inscrivent dans les salles de sport et beaucoup ont un usage important, parfois même dangereux, de l’exercice physique. Le plaisir laisse progressivement sa place à l’obsession, le temps passé en salle augmente proportionnellement à l’insatisfaction corporelle, la prise de médicaments pour accélérer la fonte du gras et la prise de masse musculaire est aussi souvent utilisée… Progressivement ils entrent dans une obsession musculaire, autrement appelée dysmorphie musculaire, connue sous le nom de COMPLEXE d’ADONIS (ce sera également le thème d’un prochain article).

TCA chez les hommes : un trouble trop peu connu

Etudiante je m’intéressais déjà à ce thème et ce fut le thème de deux de mes mémoires de recherche : les troubles alimentaires chez les hommes et la boulimie masculine. A l’époque je me plaignais du manque de recherches et d’études sur le thème.

Pourtant, depuis 17 ans, je reçois bien des jeunes hommes et des hommes souffrant de ces pathologies. Beaucoup reconnaissent d’ailleurs qu’entre le début de leurs troubles et le moment où ils consultent, des longues années se sont écoulées… des années !?! Triste constat …

Pourquoi tant de temps ? Pour certains leurs symptômes sont visibles (maigreur ou au contraire masse musculaire impressionnante) ou bien présents dans leur quotidien : jeûne, comptage des calories, vomissements, activité sportive intensive, pesées fréquentes, isolement social… mais tous reconnaissent qu’ils ont eu du mal à accepter d’avoir une « maladie de filles »…

Ce n’est qu’en atteignant un seuil critique (malaises, hospitalisation, maigreur extrême, maladies comorbides liées à l’obésité type diabète ou hypertension, fatigue extrême pouvant amener à un burn-out) que ces hommes ont pris conscience de leur maladie.

Toutefois ils ne sont pas les seuls responsables du retard de leur prise de conscience et de leur prise en charge.

Si les hommes ont du mal eux-mêmes à se reconnaître comme souffrant de troubles alimentaires, les personnels de la santé aussi. Beaucoup de médecins ne réalisent pas la situation physique, alimentaire et psychologique dans laquelle l’homme devant eux se trouve. Ils pensent rarement au diagnostic de troubles alimentaires ou dysmorphie physique, y voyant plutôt une passion pour le sport, une volonté de manger plus sainement, etc.

Encore une fois, le fait que certains symptômes de TCA chez les hommes soient valorisés socialement, on parle alors d’ « addiction positive » ; malheureusement cela minimise l’importance des symptômes et par voie de conséquence, retarde également le diagnostic et encore plus la mise en place de soins.

Ainsi les hommes souffrant de troubles alimentaires sont sous diagnostiqués et sous traités ;

Pourtant les TCA ne sont pas l’apanage des femmes , je reçois des hommes souffrant de problème de poids ou ayant un rapport compliqué avec la nourriture ou leur apparence, en thérapie tous les jours.

Et s’il existe des solutions pour les femmes, il existe aussi des solutions pour les hommes !

Alors je n’aurai qu’un mot :

Messieurs, vous n’êtes pas seul.

Votre problème n’est pas un problème de fille, mais c’est bien un problème, une maladie même.

C’est une maladie certes, mais une maladie qui se soigne !

Et c’est une maladie qui se soigne encore mieux lorsqu’on se fait aider.

Alors Messieurs, n’hésitez pas : consultez !